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Aide à l’Ukraine : la ligne de crête d’Emmanuel Macron

Deux jours après le vote à l’Assemblée nationale, devant laquelle le premier ministre, Gabriel Attal, a défendu l’accord de sécurité entre Paris et Kiev, le président de la République, Emmanuel Macron, a tenu à s’adresser directement aux Français, jeudi 14 mars, à la télévision, afin de leur exposer les enjeux de la guerre russe en Ukraine pour l’Europe et de les convaincre de la gravité de la situation.
C’est donc le chef des armées qui a répondu aux questions de TF1 et de France 2 à l’heure du journal télévisé, cherchant à rester au-dessus de la mêlée, alors que la campagne pour les élections au Parlement européen vient d’être lancée. Les mots ont été choisis pour frapper l’opinion (« une guerre existentielle pour l’Europe et pour la France ») et décrire le coût que représenterait, pour elles, une victoire du pays agresseur, la Russie : « La crédibilité de l’Europe serait réduite à zéro (…) La vie des Français changerait. Nous n’aurions plus de sécurité en Europe. La sécurité des Français se joue là-bas. » « Ce début d’année 2024 doit être pour nous celui du sursaut », a averti le chef de l’Etat en rappelant les difficultés dans lesquelles se trouve actuellement l’Ukraine.
La prise de conscience était, à vrai dire, déjà bien amorcée. En n’excluant pas, le 26 février, à l’issue d’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine organisée à l’Elysée, l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, Emmanuel Macron avait à la fois créé un électrochoc, inquiété ses alliés, envenimé sa relation avec l’Allemagne et prêté le flanc aux attaques de ses adversaires, qui l’ont accusé d’être un « va-t-en-guerre » et de diviser plutôt que de rassembler. Il lui fallait rectifier le tir.
Sans se dédire sur le fond, regrettant au contraire que les alliés de l’Ukraine aient ces derniers mois « mis trop de limites » dans leur « vocabulaire », il a cherché à combattre le sentiment d’un isolement de la France en mettant en avant l’appui reçu, notamment, des dirigeants tchèques et lituaniens sur son idée d’« ambiguïté stratégique ». Il s’est surtout défendu de toute intention belliqueuse à l’égard de la Russie et de son peuple, rejetant « la faute » sur Vladimir Poutine, qui a eu jusqu’ici l’initiative de l’escalade. La France, a-t-il assuré, se bat pour la paix ; mais « la paix n’est pas la capitulation de l’Ukraine, ni sa partition ».
Telle est la ligne de crête sur laquelle évolue Emmanuel Macron : expliquer aux Français qu’ils ont changé d’époque, que le temps de l’insouciance est révolu, mais ne pas les braquer ; préparer le pays à un soutien accru, dans la durée, à l’Ukraine, sans pour autant annoncer « la sueur, le sang et les larmes » qu’occasionnerait le passage à une authentique économie de guerre.
La conscience de la réalité de la menace russe a beau progresser chez les Français, leur refus d’une implication directe dans le conflit reste fort, et leur crainte de ce qu’ils pourraient y perdre est facilement exploitable en période électorale. Dans un contexte de crispation sur l’ampleur de la dette publique et de nécessaires économies budgétaires, c’est de nouveau du côté de l’Europe qu’Emmanuel Macron cherche une solution. Pour financer l’aide militaire à l’Ukraine, il soutient la proposition estonienne d’un emprunt européen sur le modèle de celui qui a permis le gigantesque plan de relance post-Covid. Pour espérer y parvenir, il lui faudra rallier les partenaires européens qu’il a sciemment bousculés par ses propos sur l’envoi de troupes. A l’intérieur comme à l’extérieur, l’effort de pédagogie est indispensable.
Le Monde

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