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Après les sénateurs, les députés adoptent un amendement qui remet en cause la loi de 1881 sur la presse

« C’est une poursuite sournoise du démantèlement de la loi de 1881 sur la presse. » L’avocat William Bourdon ne décolère pas depuis la découverte de l’adoption par les sénateurs, en octobre 2023, et son arrivée dans l’Hémicycle, mercredi 7 février, d’un amendement qui porte atteinte à la loi sur la liberté de la presse. « Cette loi est un totem de la République depuis cent cinquante ans, et dix élus la modifient en catimini sans prévenir personne », s’indigne, tout aussi sidéré, son confrère Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse – et avocat du Monde.
Approuvé à la faveur de l’adoption de la loi visant à renforcer la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, le texte doit permettre à tout « titulaire d’un mandat électif public ou candidat à un tel mandat » de bénéficier d’un délai de prescription d’un an pour porter plainte en cas de diffamation ou d’injure publique. Actuellement de trois mois, ce délai « permet à la presse d’éviter d’être soumise aux aléas judiciaires d’une manière prolongée, poursuit Me Bigot. Or énormément de maires ou de présidents de conseil régional mettent déjà une pression de dingue sur la presse quotidienne régionale ».
Allonger la période au cours de laquelle une action leur reste possible revient à faire peser une épée de Damoclès sur les rédactions et les éditeurs de presse. « Le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT-Journalistes et le SGJ-FO, organisations syndicales représentatives de journalistes en France, condamnent avec la plus grande fermeté cette modification d’une des lois les plus protectrices de la liberté d’expression, de la liberté d’informer et d’être informé », blâme l’intersyndicale dans un texte publié en ligne, mercredi en début de soirée.
Dans l’objet de l’amendement, déposé par la sénatrice Catherine Di Folco (Les Républicains, Rhône) et le groupe socialiste lors de l’examen du texte en octobre 2023, les sénateurs énoncaient que « les auteurs des propos diffamatoires et injurieux à l’endroit des élus sur les réseaux sociaux » bénéficient aujourd’hui d’une « impunité totale » du fait de la relative brièveté de ce délai, alors que les élus « n’ont ni le temps ni les moyens de procéder à une veille numérique, qui leur permettrait de prendre connaissance à temps des faits délictueux ».
« Il ne faut pas s’y tromper, critique l’Association des avocats praticiens du droit de la presse dans un communiqué. Sous le couvert de lutte contre la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux, objectif légitime dans nos sociétés démocratiques, c’est toute la critique de l’action des élus qui est concernée. »
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